Fonction publique territoriale : interdiction pour l’administration de reporter les déficits ou excédents horaires de ses agents sur l’année suivante
Dans un arrêt récent du 26 février 2024 (n°453669), le Conseil d’État a traité la question de la possibilité pour l’administration de gérer les déficits ou excédents horaires de ses agents en les reportant sur l’année suivante, avec comme conséquence de modifier les obligations horaires de l’agent (à la hausse ou à la baisse) pour l’année suivante.
Les règles en matière d’organisation du temps de travail dans la fonction publique
• Le principe de l’organisation en cycles de travail
Dans la fonction publique, le travail des agents est organisé en fonction de périodes de références, dénommées « cycles de travail », qui se définissent par services ou par fonctions (art. 4 du décret n°2000-815 du 25 août 2000).
Les cycles de travail correspondent ainsi aux horaires collectifs du service/de la collectivité.
L’article 4 du décret du 25 août 2000 prévoit que ces cycles ne doivent pas être inférieurs à une semaine ni supérieurs à l’année civile : les possibilités sont donc nombreuses pour les administrations qui peuvent décider d’instaurer des cycles de travail hebdomadaires, mensuels, semestriels, annuel etc.
Les horaires de travail des agents sont quant à eux définis à l’intérieur de ces cycles de travail de manière à ce que la durée annuelle du travail respecte la durée légale à savoir 35 heures par semaine, soit une durée annuelle de travail effectif de 1607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d’être effectuées.
Par exemple : un service administratif peut être organisé en fonction d’un cycle de travail hebdomadaire prévoyant la réalisation de 35 heures de travail minimum, accomplies du lundi au vendredi en fonction de plages horaires déterminés par un planning du chef de service.
• La possibilité d’instaurer des horaires variables
L’administration peut également décider d’instaurer des horaires de travail variables, selon les nécessités du service, et après consultation du comité technique (art. 6 du décret n°2000-815 du 25 août 2000).
La collectivité définit pour cela une période de référence, en principe une quinzaine ou un mois, pendant laquelle l’agent doit accomplir un nombre d’heures correspondant à la durée réglementaire applicable à la période considérée.
Les collectivités peuvent par exemple prévoir des plages fixes durant lesquelles la présence des agents est obligatoire (correspondant aux heures d’affluence du public), et des plages mobiles pendant lesquelles l’agent peut choisir quotidiennement ses heures d’arrivée et de départ.
Lorsqu’elle prévoit des horaires variables, l’administration a la possibilité d’instaurer un système de régularisation des horaires de travail intitulé dispositif de « crédit-débit ».
Ce système permet de comptabiliser les heures de travail excédentaires ou manquantes, et de les reporter sur une prochaine période de référence, afin d’assurer la réalisation d’un équilibre sur plusieurs mois (cf. alinéa 3 de l’article 6 du décret n°2000-815 du 25 août 2000).
En résumé : si l’agent réalise plus d’heures de travail elles pourront être déduites de la prochaine période de travail, et s’il en réalise moins, les heures manquantes seront rajoutées à la prochaine période de travail.
Précision du Conseil d’État en matière d’organisation du temps de travail dans la fonction publique
Certaines situations peuvent conduire à ce qu’un agent public réalise plus ou moins d’heures de travail que son volume annuel d’horaire prévu pour son poste (hors cas des heures supplémentaires).
Dans ce cas de figure, on peut se demander si l’administration a la possibilité de gérer des déficits ou excédents horaires de ses agents en les reportant sur l’année suivante, avec comme conséquence de modifier les obligations horaires de l’agent (à la hausse ou à la baisse) pour l’année suivante ?
Dans cette affaire arrivant pour la seconde fois devant le Conseil d’État, le conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de la Drôme avait pris une délibération en 2013 ayant pour effet de modifier les règles d’organisation du temps de travail des personnels du SDIS de la Drôme, et prévoyant notamment le principe du report en année N + 1 des heures qui n’auraient pas été effectuées par les agents du SDIS en année N.
Dans sa décision, le Conseil d’État va tout d’abord rappeler qu’il est prévu pour le décompte du temps de travail un maximum annuel à respecter (les 1607 heures), et cela quelle que soit l’organisation en cycles de travail.
En se fondant sur les dispositions de l’article 6 du décret du 25 août 2000, la juridiction va ensuite juger qu’il est possible pour l’administration de prévoir des reports en cours d’année de déficits ou d’excédents horaires entre périodes de référence.
Ce report doit donc s’opérer dans les conditions prescrites par cet article qui prévoit notamment un plafond maximal de report de 6 heures lorsque la période de référence est la quinzaine, et de 12 heures lorsque la période de référence est le mois.
Toutefois, la juridiction suprême a jugé qu’il n’était pas permis à l’administration de gérer des déficits ou des excédents horaires en les reportant sur l’année suivante, avec la conséquence de modifier (à la hausse ou à la baisse) les obligations horaires de l’agent pour l’année suivante :
Les dispositions citées au point précédent fixent pour le décompte du temps de travail un maximum annuel à respecter, sans préjudice des heures supplémentaires, quelle que soit l’organisation en cycles de travail. Dès lors, si elles permettent à l’autorité compétente de prévoir, dans les conditions fixées au troisième alinéa de l’article 6 du décret du 25 août 2000, des reports infra-annuels de déficits ou d’excédents horaires entre périodes de référence, elles font en revanche obstacle à ce que l’écart constaté entre le service annuel horaire effectué par un agent et le volume annuel de travail auquel il est soumis puisse avoir pour effet de modifier, par report, ses obligations horaires de l’année suivante. Le syndicat requérant est dès lors fondé à soutenir que les dispositions du guide de gestion du temps de travail qu’il conteste, prévoyant le report des heures non effectuées sur l’année suivante, méconnaissent les règles régissant le temps de travail des agents publics.
Conseil d’État, 26 février 2024, req. n°453669
Le Conseil d’État rappelle donc que les obligations en matière de temps de travail au sein de la fonction publique s’apprécient sur l’échelle d’une année, et que les possibilités de report offertes par l’alinéa 3 de l’article 6 du décret du 25 août 2000 ne permettent pas de déroger à la durée annuelle maximale de 1607 heures.
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