Droit de préemption urbain (DPU) : gare aux délais de la procédure !

La procédure de préemption est un outil juridique permettant aux collectivités territoriales de bénéficier d’un droit prioritaire d’acquisition de certains biens immobiliers afin de réaliser des projets d’intérêt général.

 

Cette prérogative est néanmoins encadrée par des délais à respecter scrupuleusement.

 

Dans cet article, nous examinerons en détail les délais applicables au cours de la procédure de préemption, ainsi que les conséquences en cas de non-respect de ceux-ci.

 

Si les cas d’instauration d’un droit de préemption sont multiples (zone d’aménagement différé (ZAD), droit de préemption dans les espaces naturels sensibles (DPENS), etc.), cet article traitera spécifiquement du droit de préemption urbain (DPU) mis en œuvre par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

 

 

I- Les délais à respecter lors de la procédure de préemption

 

 

Première étape de la procédure : l’obligation pour le propriétaire souhaitant vendre son bien d’adresser une déclaration d’intention d’aliéner (DIA)

 

 

Les collectivités territoriales ont la possibilité d’instituer par délibération des zones dans lesquelles s’appliquent un droit de de préemption. Elles deviennent ainsi titulaire d’un droit leur permettant d’acquérir prioritairement les biens immobiliers mis en vente dans ces zones, et de se substituer à l’acquéreur envisagé.

 

Afin de permettre l’information du titulaire du droit de préemption et qu’il puisse faire valoir son droit de priorité, les textes prévoient un mécanisme de déclaration obligatoire avant de pouvoir procéder à la vente : la déclaration d’intention d’aliéner (DIA).

 

Le propriétaire souhaitant vendre son bien immobilier situé dans une zone où s’applique un droit de préemption, a donc l’obligation d’adresser à la commune ou à l’EPCI une déclaration d’intention d’aliéner avant de pouvoir procéder à cette vente.

 

Cette déclaration mentionne notamment le bien immobilier dont la vente est envisagée, le prix de vente et l’identité de l’acquéreur.

 

Il s’agit donc d’une formalité importante, dont le non-respect est sanctionné par la nullité de la vente (article L. 213-2 du Code de l’urbanisme), et qui marque le point de départ des délais à respecter pour la suite de la procédure de préemption.

 

 

Deuxième étape : la notification par la collectivité de son offre d’acquérir

 

 

À la réception de la déclaration d’intention d’aliéner, la collectivité dispose d’un délai de deux mois pour notifier au propriétaire son offre d’acquérir le bien .

 

Si elle ne transmet pas cette offre dans les délais, la collectivité sera considérée comme ayant renoncée à l’exercice de son droit de préemption (articles L. 213-2 et R. 213-7 du Code de l’urbanisme).

 

Deux options s’offrent à la commune ou l’EPCI choisissant de répondre :

 

Proposer un prix d’achat correspondant au prix de vente annoncé par le propriétaire : il y a dans ce cas accord sur la chose et le prix, et la vente sera considérée comme parfaite. Les parties ne pourront plus y renoncer.

 

Proposer un prix d’achat inférieur au prix annoncé : dans ce cas, la procédure de préemption se poursuit et le propriétaire devra se positionner sur le prix proposé. À défaut d’accord, le prix sera fixé par le juge de l’expropriation.

 

À noter concernant la notification de l’offre d’acquérir : Le courrier de la collectivité doit indiquer qu’à défaut d’acceptation de cette offre, le prix du bien sera fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation (article R. 213-8 du Code de l’urbanisme).

 

 

Troisième étape : la réponse du propriétaire à l’offre d’acquérir

 

 

À compter de la réception de l’offre d’acquérir, un nouveau délai de deux mois s’impose au propriétaire pour y répondre (article R. 213-10 du Code de l’urbanisme).

 

Trois réponses du propriétaire peuvent être envisagées :

 

soit celui-ci accepte le prix d’achat inférieur au prix initialement envisagé: dans ce cas la vente devient parfaite, et sera réalisée avec la collectivité.

 

soit celui-ci refuse le prix proposé par la collectivité, et maintient son prix de vente initial. Dans ce cas, le propriétaire accepte également que le prix soit fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation.

 

Bon à savoir : le fait que le propriétaire ait omis de mentionner dans son courrier qu’il accepte que le prix soit fixé par le juge de l’expropriation n’a pas d’incidence. Il sera considéré comme l’ayant implicitement accepté (Cass. 3e civ., 12 juill. 2000, n° 98-22.866).

 

soit il renonce à vendre son bien. Dans ce cas-la procédure de préemption prend fin, et la vente initialement prévue ne sera réalisera pas.

 

À noter : le silence du propriétaire dans le délai de deux mois équivaut à une renonciation d’aliéner (Cass., 3e civ. 12 Mars 2003 – n° 02-70.049).

 

 

Quatrième étape : la saisine du juge de l’expropriation par le titulaire du droit de préemption

 

 

Lorsque le propriétaire a notifié sa décision de maintenir son prix, le titulaire du droit de préemption doit alors saisir, dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la réponse du propriétaire, la juridiction compétente en matière d’expropriation.

 

Cette saisine est réalisée par lettre recommandée adressée au secrétariat de cette juridiction (art. R. 213-11 du Code de l’urbanisme), et le propriétaire doit en être simultanément informé.

 

À défaut de saisine de la juridiction dans le délai de quinze jours à compter de la réponse du propriétaire, le titulaire du droit de préemption est réputé avoir renoncé à l’exercice de son droit (article R. 213-11 du Code de l’urbanisme).

 

 

Cinquième étape : la consignation par le titulaire du droit de préemption

 

 

Lorsque la juridiction compétente en matière d’expropriation a été saisie, le titulaire du droit de préemption doit consigner une somme égale à 15 % du prix de vente « tel qu’évalué par le directeur départemental des finances publiques » (article L. 213-4-1 du Code de l’urbanisme).

 

Cette évaluation est obligatoire pour les ventes supérieures à 180.000 euros (cf. arrêté du 5 décembre 2016 relatif aux opérations d’acquisitions et de prises en location immobilières poursuivies par les collectivités publiques et divers organismes).

 

La copie du récépissé de la consignation doit être adressée au propriétaire et à la juridiction (article R. 213-11 du Code de l’urbanisme).

 

En l’absence de notification d’une copie du récépissé de consignation à la juridiction et au propriétaire dans le délai de trois mois à compter de la saisine de cette juridiction, le titulaire du droit de préemption est réputé avoir renoncé à l’exercice du droit de préemption (article L. 213-4-1 du Code de l’urbanisme).

 

Il convient d’être vigilant concernant cette formalité, car l’absence de notification vaudra renonciation, y compris si le titulaire a effectivement consigné cette somme dans le délai (Cass. 3e civ., 9 mai 2012, n°11-12.551).

 

 

Dernier délai à respecter après le jugement : le délai de mise en œuvre du « droit de repentir »

 

 

Si ces étapes de la procédure de préemption sont respectées, le juge de l’expropriation rendra un jugement ayant pour objet de fixer le prix de vente du bien immobilier.

 

Il faut néanmoins noter que pendant toute la procédure de préemption, le propriétaire du bien et la commune disposent chacun de la possibilité d’arrêter l’action : le propriétaire peut retirer son offre de vendre pendant toute la durée de la procédure, et le titulaire du droit de préemption peut de la même façon renoncer à l’exercice de son droit.

 

Ce droit de repentir cesse cependant lorsque le juge de l’expropriation rend sa décision fixant le prix du bien, et que cette décision ne fait pas l’objet d’un recours.

 

Dans ce cas, le droit de repentir doit être mis en œuvre dans les deux mois suivants la date à laquelle cette décision est devenue définitive (article L. 213-7 du Code de l’urbanisme).

 

À défaut de mise en œuvre de ce droit de repentir dans les délais, les parties sont considérées comme ayant accepté le prix fixé par le juge et le transfert de propriété sera effectué au profit du titulaire du droit de préemption.

 

 

II- Les conséquences d’une renonciation à vendre ou à préempter

 

 

En cas de renonciation à vendre par le propriétaire

 

 

Lorsque le propriétaire fait usage de son droit de repentir et renonce à vendre son bien, la vente initialement envisagée ne pourra être réalisée.

 

Si le propriétaire souhaite vendre son bien, il devra adresser une nouvelle déclaration d’intention d’aliéner, ce qui aura pour conséquence d’initier une nouvelle procédure de préemption.

 

 

En cas de renonciation à préempter par la collectivité

 

 

Lorsque le titulaire du droit de préemption a renoncé à l’exercice de son droit avant fixation judiciaire du prix, le propriétaire peut réaliser la vente de son bien au prix indiqué dans sa déclaration (article L. 213-8 du Code de l’urbanisme).

 

Pour pouvoir réaliser la vente, plusieurs conditions sont toutefois à respecter :

 

– le projet de vente doit être identique à celui décrit dans la déclaration d’intention d’aliéner : la consistance du bien ainsi que le prix devront être identiques. Le changement d’acquéreur n’implique toutefois pas de nouvelle déclaration (Cass. 3e civ., 8 oct. 2008, n°07-15.935) ;

 

– la vente devra intervenir dans un délai de trois ans à compter de la renonciation au droit de préemption.

 

À défaut de respecter ces conditions, il sera nécessaire de déposer une nouvelle déclaration d’intention d’aliéner, ce qui aura pour conséquence d’initier une nouvelle procédure de préemption.

 

Une attention toute particulière devra donc être apportée à ces délais puisque les juridictions y sont particulièrement attentives et que leur non-respect peut être lourd de conséquences.

 

 

Des questions relatives à la procédure de préemption ? Le cabinet ARÊGÔ, cabinet d’avocats en droit immobilier à Saint-Etienne, se tient à votre disposition. Pour nous contacter, c’est par ici !

 

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